Au sein du Jamel Comedy Club, Jean-François Cayrey est une sorte de minorité visible parmi les Malik, Nawell, Noman, Redouanne, Mohamed et autres prénoms non inscrits au calendrier des saints. Il joue de cette fausse singularité d’entrée de sketch avec un propos qui donne le ton de tout son spectacle: “Salam alikoum ! Bonjour, je m’appelle Jean-François, j’espère que ça reviendra à la mode. Je suis la minorité visible du Jamel Comedy Club… Je connais beaucoup d’Arabes. Des Noirs, moins, j’ai pas tous les vaccins». Cayrey gratouille les plaies d’une société minée par la prolifération, qui tourne parfois à la célébration, d’idées nauséabondes (le racisme) ou mal comprises (l’écologie ou le commerce équitable). Sur la question de l’identité, tous y passent : les Noirs, les Arabes et les Portugais ne sont pas épargnés. Ainsi José, maçon de son état, qui a édifié une église dans son jardin pas tant parce qu’il est croyant mais parce qu’il aime bétonner. Ça n’a certes pas (encore) la causticité d’un Bedos ou d’un Desproges, mais il y a de l’idée et une façon de convoquer l’actualité des plus prometteuses. Voyez, notamment, comment Jean-Désiré, son pote antillais, s’acquitte du devoir de mémoire à l’égard de ses ancêtres esclaves. Cayrey sait provoquer, faire valser les clichés et s’amuser avec les donneurs de leçons. Il a non seulement le sens de la formule mais également celui du rythme et déclenche le rire sans forcer.

Ce comique-là a de l'énergie à revendre. Les différents sketchs s'enchaînent à la perfection sans laisser au public une seule seconde de répit.

Nombreux sont les humoristes qui, sans toujours l’être, se disent politiquement incorrects : dans son ironie à l’égard communautés, Jean-François Cayrey l’est assez. Celui qui participait en 2004 aux lundis de la connerie évoque sa banlieue où il a parfois l’impression d’être le seul Blanc, comme chez son pote Izmir qui tient le kebab en bas de chez lui. Le point fort du spectacle, c’est le sketch de l’homme marié à une fonctionnaire inactive et déprimée (forcément), qui enchaîne de 6 du mat à minuit les taches ménagères, s’occupe des gosses, fait des crêpes, quand il n’est pas dans les transport en commun ou au boulot. Cayrey se moque aussi des écologistes ou de l’arnaque des produits commerce équitable. Il y a quelques longueurs dans ce show plus stand-up que le sketch du tatoueur ivre qui tourne sur internet (voir la vidéo), mais Jean-François Cayrey a de la tchatche et un vrai sens du rythme.